Rechercher dans ce blog

mardi 16 juin 2015

Tout le monde n'y voit pas plus clair sous les lampadaires

Portrait de la noctuelle du chou (photo Michal Gábriš, avec son aimable autorisation).

La lumière artificielle ne fait pas qu’attirer les papillons de nuit, elle affecte aussi les phéromones qu’ils émettent. C’est du moins ce qu'une étude vient de démontrer chez la noctuelle du chou (Mamestra brassicae), un papillon présent dans toute l’Europe et dont les populations sont en déclin dans certains pays.

Des chercheurs ont élevé des femelles de cette espèce sous différentes conditions (obscurité ou lumière artificielle de faible intensité). Au bout de trois nuits, ils ont analysé la phéromone sexuelle émise dans chaque cas. Cette phéromone est un mélange de composés chimiques que les mâles reconnaissent spécifiquement. Elle joue donc un rôle essentiel dans la reproduction de l’espèce.

Les résultats montrent que les glandes des femelles exposées à une source lumineuse produisent nettement moins de phéromones que celles des femelles laissées dans l’obscurité. De plus, le message produit par les individus éclairés change : les 9 composés chimiques qui constituent la phéromone sont tous présents mais en proportions différentes. Le composé majoritaire, qui est aussi le plus attractif pour les mâles, est moins abondant. A l'inverse, 3 composés minoritaires, aux propriétés inhibitrices pour les mâles, sont présents en plus grande proportion.

Ces modifications sont donc susceptibles de perturber la rencontre des deux sexes. En effet, les phéromones émises par des espèces proches ne différent que très légèrement de celles de la noctuelle du chou, et les mâles sont sensibles à de très subtiles variations dans les bouquets d’odeurs émis par les femelles. 

Ce travail permet de mieux comprendre comment la « pollution lumineuse » affecte la faune nocturne, et il motive la recherche de nouveaux types de lumières moins dérangeants. Une démarche essentielle, alors que l’éclairage artificiel gagne toujours plus de terrain et que l’on en vient à célébrer la nuit noire comme une espèce en voie de disparition…



Référence : Van Geffen K. G., Groot A. T., Van Grunsven R. H. A., Donners M., Berendse F. et Veenendaal E. M. 2015 – “Artificial night lighting disrupts sex pheromone in a noctuid moth”, Ecological Entomology (doi: 10.1111/een.12202).


Julien Grangier

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire