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vendredi 3 avril 2015

Des satellites révèlent les périples migratoires des tortues vertes en Méditerranée

Les tortues vertes ne sont pas du genre casanier (photo Brocken Inaglory GFDL). 

Les tortues vertes (Chelonia mydas) sont des tortues marines qu’on trouve dans la plupart des eaux chaudes de la planète. Leurs populations sont en déclin et l’espèce est considérée comme étant en danger d'extinction par l’UICN. La mise en place de mesures de conservation se heurte à un obstacle de taille : ces animaux sont des migrateurs au long cours. Ils peuvent voyager sur des centaines, voire des milliers de kilomètres entre leurs sites de ponte et de nourrissage que sont, par exemple, les herbiers marins. Pour pouvoir les protéger il faut donc de connaître assez précisément leurs déplacements.

C’est maintenant le cas pour les populations particulièrement menacées de Méditerranée. Fruit d’une collaboration internationale de plusieurs années, une étude a permis le suivi par satellite d’une trentaine de femelles équipées de balises Argos. La position géographique de chaque tortue a ainsi été relevée pendant plusieurs mois au départ des différents sites de ponte méditerranéens connus, tous situés à Chypre, en Turquie, en Syrie et en Israël.
Une tortue verte venue pondre sur la plage. On peut voir la balise que les chercheurs ont collée sur sa carapace (photo Kimberley Stokes, SeaTurtle.org)

Les données récoltées ont permis d’identifier une dizaine de sites de nourrissage le long des côtes méditerranéennes, séparés en moyenne de plus de 1000 km des sites de ponte. Deux d’entre eux, situés en Lybie, semblent particulièrement importants puisque 52% des tortues suivies s’y sont rendues. Pour atteindre les différents sites de nourrissage au départ des sites de pontes situés entre la Turquie et Israël, les tortues choisissent soit de longer les côtes jusqu’en Lybie, en passant par le Liban, Israël, la bande de Gaza et l’Egypte, soit de passer en pleine mer depuis la Turquie et Chypre jusqu’en Egypte pour ensuite rejoindre le premier itinéraire.
Déplacements des tortues entre les sites de ponte (étoiles) et de nourrissage (ronds noirs indiquant à chaque fois le nombre d'individus ayant exploité l'endroit). Les couleurs indiquent la fréquentation des différentes trajectoires, du moins emprunté (blanc) au plus emprunté (bleu foncé) (carte par Kimberley Stokes, avec son aimable autorisation).





L’identification des couloirs de migration et des zones de nourrissage représente une avancée importante pour la conservation des tortues vertes en Méditerranée. Premièrement, on devrait pouvoir mieux cerner le rôle des activités humaines dans le déclin de l'espèce. Les tortues vertes sont fréquemment victimes des pêcheurs, soit parce qu’elles sont capturées par accident, soit parce qu’ils les perçoivent comme des rivales. L'impact réel de ces pertes sur la population totale sera bien mieux évalué en concentrant les efforts de recensement le long des couloirs de migration. Deuxièmement, des réserves marines efficaces pourraient être mises en place autour des zones de nourrissage les plus importantes, comme celles identifiées en Lybie. Les auteurs de l’étude reconnaissent toutefois que l’instabilité géopolitique de la région retardera sans doute l’application de telles mesures.


Référence : Stokes K. L., Broderick A. C., Canbolat A. F., Candan O., Fuller W. J., Glen F., Levy Y., Rees A. F., Rilov G., Snape R. T., Stott I., Tchernov D. et Godely B. J. 2015 – “Migratory corridors and foraging hotspots: critical habitats identified for Mediterranean green turtles”, Diversity and Distributions (doi: 10.1111/ddi.12317).

Julien Grangier

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