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jeudi 2 février 2012

L'élevage traditionnel a su préserver la diversité génétique des chèvres corses


© INRA / R. Bouche

Voilà une nouvelle qui saura réjouir nos amis corses : leur tradition d'élevage séculaire (millénaire ?) a sans doute permis de maintenir de manière quasi intacte le patrimoine génétique des chèvres de race corse depuis le Moyen-Âge. Alors que la plupart des chèvres domestiques (Capra hircus) d'élevage industriel voient leurs ressources génétiques chuter du fait de la sélection, la chèvre corse reste vigoureuse, malgré la diminution de sa population, d'année en année. C'est la paléogénétique qui a permis d'établir ces données, comme l'a montré une étude française pluridisciplinaire, publiée en début de semaine dans la revue américaine PloS One.

Tout a commencé il y a une quinzaine d'années dans les montagnes de Corse, à Castellu-di-Rustinu, village de Castagniccia. Une ancienne exploitation caprine datant du Moyen-Âge, de taille importante, y avait été exhumée. Sur ce site archéologique ont été découverts de nombreux ossements de chèvres, datés du XIIe au XIVe siècle. S'en est suivi une série d'études mêlant archéologie, archéozoologie, histoire, mais aussi génétique et paléogénétique, ainsi que des publications, notamment sur l'évolution de la production de viande et de lait dans l'histoire de Corse.

Autre recherche qui nous intéresse plus particulièrement ici : les chercheurs ont voulu estimer l¹évolution de la diversité génétique des chèvres corses, entre le Moyen-Âge et aujourd¹hui. Pour ce faire, une équipe de l¹Institut de génomique fonctionnelle de Lyon a travaillé sur un marqueur neutre, le marqueur mitochondrial. En effet, dans une cellule, le génome mitochondrial est distinct de l'ADN du noyau cellulaire et permet des investigations plus précises sur la diffusion des populations. De plus, il n'est transmis que par la mère et permet d'en savoir plus sur l'évolution génétique d'une espèce et son histoire.

"Nous avons comparé la diversité génétique des spécimens de chèvres de l'époque médiévale avec celle qui existe de nos jours en Corse, mais aussi avec la diversité génétique d'autres chèvres du continent. En observant les résultats, nous nous sommes rendus compte que les chèvres corses médiévales étaient plus proches de la population corse actuelle que de n'importe quelle autre population. Cela veut dire qu'il y a ici une diversité génétique que l'on ne retrouve qu'en Corse", affirme Sandrine Hughes, chercheuse en paléogénomique et évolution moléculaire à Lyon, qui a travaillé au sein de la plate-forme nationale de paléogénétique (Palgene) dépendant du CNRS et de l'ENS de Lyon.

Un patrimoine génétique qui reste à peu près le même durant des siècles sur une île ? Voilà qui paraît logique. Mais qui montre également que les techniques d'élevage sont restées sensiblement les mêmes durant des siècles, voire des millénaires. Et c'est aussi ce qui a permis aux chèvres de race corse (race reconnue depuis 2007 par le ministère de l'Agriculture) de garder leurs couleurs de poils si diverses. L'élevage à la corse ­ - on fera ici l'impasse sur les traditionnelles blagues à forte teneur en subventions européennes et en éleveurs corses - veut en priorité laisser la liberté de circulation à l'animal, qui peut ainsi gambader, grimper et se nourrir en toute tranquillité.

 La chèvre est l'une des premières espèces à avoir été domestiquée, au Moyen-Orient, au Néolithique, au moment de la naissance de l'agriculture. Puis, Capra hircus a été diffusée vers l'Europe, par la Méditerrannée et le Danube, en même temps que les vaches et les moutons. Elle serait arrivée en Corse il y a environ 7 700 ans. Encore aujourd'hui, lorsque des éleveurs tentent d'importer des chèvres domestiques "industrielles", elles parviennent difficilement à s'habituer aux conditions de vie de leurs congénères insulaires, au comportement nettement plus grégaire.

Julien Balboni

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