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lundi 27 février 2012

Le drame de la surpêche finit par faire réagir la communauté internationale


Filets, chaluts et casiers font partie des symboles des techniques de pêche qui ont permis l'augmentation importante de la "productivité". Au prix d'un déclin dramatique des stocks. (photo Marcin Marucha)


L'information a été relayée sans pour autant retenir une très forte attention. Elle n'est pas pour autant anodine, bien au contraire. Vendredi, la Banque mondiale a annoncé la création d'une alliance mondiale pour une meilleure gestion des océans. Cette alliance va d'abord chercher à recueillir 300 millions de dollars (224 M€) auprès d'Etats pour son fonctionnement et sa coordination. Mais l'objectif réel est parvenir à lever 1,2 M$ en cinq ans. Une somme importante qui aura pour but premier la reconstitution des stocks de poisson, gravement touchés par la surpêche. Cette alliance entend rassembler les ONG, les Etats et la Banque mondiale, qui dépensent déjà des centaines de millions dans la défense des océans, sans pour autant être coordonnés.

 La première nouvelle est déjà politique. Robert Zoellick, président de la Banque mondiale, avait été nommé, comme le veut l'usage, par le président américain, à l'époque George W. Bush. Ancien adjoint de Condoleeza Rice au secrétariat d'Etat, cet ancien avocat remplaçait alors le fameux "faucon néoconservateur", Paul Wolfowitz, qui avait à l'époque plutôt hérissé les diplomates français défavorables à une intervention en Irak. Zoellick, donc, est un conservateur, et son mandat va s'achever le 30 juin. Il laissera à son successeur d'assumer la création de cet ambitieux montage. Par ailleurs, plutôt marqué à droite, il était plutôt connu pour être le nemesis des altermondialistes de tout poil plutôt qu'un écolo chevronné. Mais cet investissement à venir attend également un retour : Robert Zoellick estime à 5 milliards de dollars (3,75 MM€) la perte annuelle nette des entreprises de pêche. Il entend renverser la tendance et "accroître leur bénéfice net de 20 à 30 milliards de dollars (de 15 à 22,5 milliards d’euros)"

C'est dire, donc, à quel point le thème de la surpêche et du déclin des océans est devenu si important qu'il parvient à attirer l'attention d'un poids lourd comme la Banque mondiale. Robert Zoellick a ainsi précisé vendredi :  "(Protéger les océans) est un défi si gigantesque qu’il ne saurait être relevé par un seul pays ou une seule organisation. Nous avons besoin d’une action mondiale coordonnée pour redonner la santé à nos océans. Ensemble, nous nous appuierons sur les excellents travaux déjà réalisés pour répondre aux menaces qui pèsent sur les océans, identifier des solutions réalisables et les faire passer à la vitesse supérieure."

Seconde remarque : n'est-il déjà pas trop tard ? En quelque décennies, la surpêche a proprement vidé les océans. On considère que 85% des zones de pêche sont exploitées à leur maximum, surexploitées ou épuisées. Certaines espèces ont tellement décliné que leur pêche est aujourd'hui protégée (thon rouge, requin-taupe, etc.). L'exemple le plus frappant reste naturellement celui de la morue à Terre-Neuve, un temps richesse nationale, tellement surexploitée qu'elle a disparu des côtes canadiennes, laissant une gigantesque industrie à l'agonie. Malgré un moratoire signé en 1992, jamais la morue n'est revenue à Terre-Neuve.




Comment en est-on arrivé à un tel point de non-retour ? Par l'industrialisation des moyens de pêche, principalement. En construisant des bateaux toujours plus immenses et efficaces, conçus pour répondre une demande croissante de poisson. Et en ouvrant une boîte de Pandore qu'il est bien difficile de refermer. "Le sentiment d'impuissance domine. Les recettes existent mais nous n'avons pas les capacités de les mettre en oeuvre. Le contraste est frappant : l'homme a su conquérir et exploiter le monde marin au cours des deux dernières décennies, mais il ne parvient pas à freiner sin emprise et ce, alors même que la technologie ne cesse d'accroître sa suprématie sur les ressources", écrivaient Philippe Cury et Yves Miserey dans Une mer sans poissons, en 2008. La création d'une alliance mondiale pour les océans pourrait être à même de les faire mentir, si les projets annoncés sont menés à bien. Et notamment l'extension massive du nombre d'aires marines protégées qui ont largement fait leurs preuves à travers le monde, mais pas assez nombreuses (0,7 % de la surface des océans) pour être décisives. A quelques mois de l'inauguration du sommet Rio + 20, le pari semble pris.

 Julien Balboni

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